Daniel Ecalard, skipper du « Défi Martinique » au départ de la Route de Rhum « Je suis prêt, le bateau est techniquement au point et fiable »

Daniel Ecalard, skipper du « Défi Martinique » au départ de la Route de Rhum « Je suis prêt, le bateau est techniquement au point et fiable »

Propos recueillis par C.Everard

Dimanche 2 novembre, 91 voiliers vont s'élancer de Saint-Malo pour rejoindre Pointe-à-Pitre. Le Défi Martinique, seul représentant de notre île, en fera partie. Il court dans la catégorie Rhum. Interview de son skipper, Daniel Ecalard, avant le grand départ.

Pourriez-vous nous donner la genèse de cette aventure ?
C'est un vieux projet. Jusqu'ici, je ne disposais pas de bateau, je n'avais pas suffisamment de sous, il y avait toujours un problème. Puis, j'ai trouvé un bateau de disponible. J'ai réuni une petite somme qui m'a permis de bloquer l'achat. Je suis allé chercher le bateau au Nord des États-Unis, côté Pacifique. Cela a demandé deux mois de navigation pour le ramener. C'était une première aventure! Puis, on a préparé le voilier en Martinique pendant encore deux mois. Ensuite, je suis parti vers Saint-Malo, en effectuant une partie de la traversée en solo afin de me qualifier pour la course.
Au niveau des technologies employées sur le bateau, le projet initial était ambitieux, non ?
Je voulais en premier lieu mettre en valeur des voiles photo-voltaïque. C'est un produit que j'ai découvert en essayant de développer un autre projet, le Cargo Voile (lire par ailleurs). Il était aussi question d'intégrer uniquement des énergies propres. Mais très rapidement, nous avons vu que nous n'aurions pas le budget suffisant.
Pouvez-vous nous expliquer le principe des voiles photovoltaïques que vous venez d'installer ?
Le fait d'intégrer ce type de voile sera une première mondiale! Des cellules photovoltaïques sont intégrées dans la grande voile, qui peut toutefois être pliée sans problème. Cette énergie permet de rendre le bateau autonome. Hélas, nous n'avons pu couvrir que quelques mètres carrés de la grande voile, alors qu'avec les deux faces, le bateau n'aurait plus eu besoin d'utiliser une autre énergie polluante. Nous allons tout de même faire la démonstration que cette technologie est performante. Cette voile signe d'ailleurs une double innovation : elle est aussi complètement recyclable. Le fabricant est UK Sail Makers, basé près de Cannes.
(DR)
(DR)
Ce fut compliqué d'acquérir ces voiles. Vous avez failli ne pas partir.
Effectivement, nous avions l'espoir d'obtenir une somme plus conséquente pour notre projet (voir notre édition du samedi 25 octobre) , notamment de la part de la Région. En Guadeloupe, les 5 bateaux engagés ont obtenu 50.000 euros chacun de leur Région. Nous, nous avons eu 10.000 euros (à ajouter aux 15.000 euros attribués l'an dernier, NDLR). On s'est retrouvé coincés. On est repartis à la recherche d'autres partenaires, pour compléter ceux que nous avions déjà. Grâce aux médias, grâce à la bouteille à la mer que nous avons lancée, nous avons pu avoir de nouveaux contacts. C'est mercredi 29 octobre que tout s'est joué. Ce jour-là, le voilier avait posé un ultimatum. Il fallait que nous donnions 10.000 euros (pour un budget global voiles de 30.000 euros, NDLR). D'abord, un premier contact, un ami de Martinique (Gilles) a dit qu'il nous prêterait 10.000 euros et que nous nous arrangerions par la suite. Ensuite, le PDG de l'entreprise martiniquaise Socara (distributeur de spiritueux, d'alcool et de vin) est venu nous voir. Il était en vacances à Saint-Malo quand il a entendu dire qu'un des voiliers avait des problèmes, celui de Martinique! Il nous a demandé s'il pouvait faire quelque chose, sans considérations commerciales derrière. Il nous a donné 5000 euros.
Enfin, juste après, Aubret (spécialiste de la salaison, qui fabrique notamment des jambons de Noël et dont le siège est en Loire-Atlantique, NDLR) nous a donné son accord pour un engagement à hauteur de 10.000 euros.
Et puis, un élan de solidarité s'est créé en Martinique, des particuliers ont versé des sommes de 40 ou 50 euros sur le compte de l'association.
Le plus grand drapeau sur le bateau est celui la Région Martinique. On doit aussi faire un baptême aujourd'hui pour Aubret et Socara. Avec cette publicité dont on se serait bien passé, les gens nous ont pris en sympathie, se sont intéressés au projet et ont vu qu'il y avait un intérêt pédagogique, environnemental et sportif.
Maintenant nous pouvons nous concentrer sur la course. On passe enfin sur la partie technique. Je me sens plus à l'aise car les histoires de sous, c'est compliqué!
Votre dernière traversée de l'Atlantique date d'il y a une dizaine de jours. Comment cela s'est-il passé ?
J'étais vraiment serein. Il y a toujours des angoisses sur ce qui peut se passer et sur la météo, mais j'étais prêt. Le bateau était techniquement au point et fiable. Seulement, j'ai passé mon temps à réparer la grande voile qui était au bout du rouleau et je ne me sentais pas du tout de faire la même chose pendant la course!
Vous aimeriez effectuer la course en combien de temps ?
17 jours et 3 heures! En effet, le record détenu par un 50 pieds sur cette distance est de 17 jours et 4 heures. Dans ma classe (classe Rhum, il y en a 5 en tout, NDLR), j'espère bien figurer. Seulement, deux 60 pieds ont été intégrés. Ils ont un potentiel de vitesse supérieur au nôtre! L'idée est de les coller au plus près et d'honorer la Martinique.
Vous savez aussi des projets au retour en Martinique ?
Notre première initiative sera de réunir tous les partenaires et ceux qui ont cru au projet depuis le début, notamment les premières entreprises qui ont fait des échanges marchandises avec l'association Martinique Course au Large (AMCL), qui porte le projet. Ensuite, le bateau sera préparé pour d'autres courses. Des jeunes du lycée Raymond-Néris vont travailler dessus au niveau technique. D'autres jeunes vont effectuer des régates locales sur la Caraïbe.
Votre équipe sur place est constituée de combien de personnes ?
Elle a grandi puisqu'on est désormais une quinzaine : technique, presse, etc. Il faut nourrir et loger les équipiers. Ça fait partie du budget que nous n'avons pas, mais on se débrouille avec de petits moyens!
- Lire aussi page 22 l'actualité concernant sur la Route du Rhum. Retrouver le Defi Martinique sur Facebook.
« Une subvention n'est pas un droit ni une obligation »
Concernant la subvention accordée, la Région Martinique ne s'est pas exprimée sur le sujet et n'a jamais répondu à nos demandes d'interview, que nous lui avons soumises depuis plusieurs semaines. Il a même été dit que nous, France-Antilles, prenions la défense du Défi Martinique (et même que nous faisions partie de leur team!) , alors que l'article du samedi 25 octobre dernier n'exprime en rien cette position!
La seule information que le blog de la Région reprend est le communiqué suivant, rédigé le 28 octobre par l'équipe du Défi Martinique :
« Depuis Saint-Malo, le Défi Martinique souhaite vivement apaiser toutes polémiques contre-productives dans sa participation (ou non) à la Route du Rhum. La Région Martinique nous soutient quoi qu'il en soit, ceci à la hauteur de ce qu'elle considère être nécessaire à notre participation dans cette épreuve. Une subvention n'est pas un droit, ni une obligation. Nous remercions donc le Conseil Régional de la Martinique, notamment son Président, pour nous avoir alloué cette aide financière quel que soit son montant. Nous portons les couleurs de la Martinique et nous espérons que nous les porterons le plus dignement possible jusqu'en Guadeloupe. »
Cargo Voile, l'autre projet
L'autre projet de Daniel Ecalard, dont il cherche à faire la promotion à travers ce défi est le Cargo Voile. Il s'agit d'un bateau de 35 mètres, conçu au sein de sa Compagnie Seafret Caraïbes. C'est « une sorte de camion de livraison marin qui ferait des tournées dans la Caraïbe » , selon son créateur. Le Cargo Voile aurait une capacité de charge de 100 tonnes.

Suivez l'info en temps réel
sur l'appli France-Antilles !

Télécharger