Le dialogue s'ouvre entre Amérindiens et État

Le dialogue s'ouvre entre Amérindiens et État

A.S.-M.
Coiffe traditionnelle et loi française : symbole d'un choc des cultures ou simple « décalage » à régler ? (ASM)
Coiffe traditionnelle et loi française : symbole d'un choc des cultures ou simple « décalage » à régler ? (ASM)

Hier, une délégation de représentants des populations amérindiennes a rencontré le préfet suite à l'intervention de l'ONCFS lors des Journées des peuples autochtones. Le dialogue a été jugé « satisfaisant » .

Coiffés de couronnes réalisées à base de plumes d'aras et de jacquots, des oiseaux interdits à la chasse, cinq chefs coutumiers amérindiens se présentent devant la préfecture. À leurs côtés, d'autres représentants des populations amérindiennes arborent des bijoux confectionnés avec des dents de jaguar. « Ce n'est pas de la provocation. Nous voulons montrer notre savoir-faire et l'importance de cet artisanat pour nous » , explique Anne-Marie Chambrier, coordinatrice déléguée de la Foag. Au total, ils sont douze à venir rencontrer le préfet, Éric Spitz, après « l'humiliation subie lors des Journées des peuples autochtones » . Cette humiliation, c'est bien sûr l'intervention de l'ONCFS (lire dans notre édition du lundi 11 août). Une intervention qui doit être au coeur des discussions de ce rendez-vous organisé à la demande de la Foag et des autorités coutumières. « Il est temps d'ouvrir le dialogue » , estime Cécile Kouyouri, chef coutumier du village Bellevue à Iracoubo. « L'écoute du préfet sera très importante. Il doit comprendre que l'artisanat, c'est l'équilibre de notre esprit grâce au travail de nos mains, c'est un temps de repos et de réflexion. Ce n'est pas avec cela que nous allons détruire la forêt. Et ce n'est pas en vendant quelques colliers que l'on va s'enrichir. »
Après une heure et demie de discussion à huis clos, les visages sont plutôt satisfaits. Pour Jocelyn Thérèse, président du conseil consultatif des populations autochtones, « le préfet était à l'écoute » .
Jean-Aubéric Charles, chef de Kourou (à droite) et Zacharia Lucas, chef du village de Favard à Roura, ont tenu à revêtir la coiffe traditionnelle pour rencontrer le préfet. (ASM)
Jean-Aubéric Charles, chef de Kourou (à droite) et Zacharia Lucas, chef du village de Favard à Roura, ont tenu à revêtir la coiffe traditionnelle pour rencontrer le préfet. (ASM)
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UN CONTRÔLE « INAPPROPRIÉ »
Pour lui, il existe bien une volonté d'adapter les normes, mais il regrette le manque de sensibilisation de certains fonctionnaires aux spécificités guyanaises. Pour éviter les incompréhensions, « il faut mettre en place un dialogue permanent » . Un dialogue que le préfet semble appeler de ses voeux. Le représentant de l'État rappelle qu'il avait demandé l'arrêt du contrôle de l'ONCFS, un contrôle qu'il juge « pour le moins inapproprié » . « La France sait tenir compte de ses peuples et je crois qu'elle doit en tenir compte à travers ses réglementations » , poursuit Éric Spitz qui a proposé à la délégation de l'accompagner dans la préparation d'un déplacement à Paris. « Il y a eu peu d'avancées depuis trente ans. Aujourd'hui, nous avons face à nous un représentant de l'État qui semble être ouvert à la discussion. Il doit y avoir moyen de travailler avec lui » , se réjouit Jean-Philippe Chambrier, coordinateur général de la Foag, qui compte maintenant réunir les chefs coutumiers et représentants d'associations amérindiennes. Pour lui, il y a urgence car « une nouvelle génération arrive, qui en a ras-le-bol » . Il s'agit donc de trouver un terrain d'entente avant que certains ne décident de passer à des actes moins pacifiques.
REPÈRE - 15 000 euros et un an de prison
La vente, l'achat et le transport d'objets confectionnés à base d'animaux interdits à la chasse sont punis, selon la loi, d'une amende de 15 000 euros et d'un an de prison. Selon l'ONCFS, cette peine concerne principalement le transport d'objets en quantité dont l'objectif est la vente. Comme toute infraction, c'est au procureur de décider ou non de poursuites et, le cas échéant, au tribunal de prononcer la peine. La confiscation, elle, est systématique.
Symbole contre symbole
Jean Nacis est chef coutumier du village Norino à Macouria. Il n'envisageait pas de se déplacer en préfecture sans sa couronne traditionnelle : « Cette couronne, c'est symbolique pour notre coutume, notre identité. Elle est faite avec des plumes de jacquots et d'aras. Quand un village organise une fête, le chef met ce plumage et tout le village le respecte pour cela. Quand on rencontre une personnalité officielle, nous devons avoir cette tenue traditionnelle. C'est comme l'écharpe tricolore pour un maire. »

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